Axa sanctionne l’exercice du droit d’expression : Les salariés d’Axa IM doivent-ils craindre les méthodes d’Axa Direct Assurance ?
Une belle victoire dans la défense du droit d’expression des salariés contre un employeur qui ne tolère pas la dissension dans ses rangs. Dans l’affaire d’un salarié accompagné et défendu par la CGT chez Direct Assurance (c’est-à-dire la société « Avanssur »), filiale du Groupe Axa dont le siège se trouve à Suresnes, le Conseil de Prud’hommes vient d’annuler une sanction disciplinaire qui réprimait le droit d’expression des salariés …
Axa condamné en justice pour avoir sanctionné l’exercice du droit d’expression individuelle des salariés
Dans une affaire remontant à 2018, le Conseil de Prud’hommes vient d’annuler une sanction sans fondement et donc injustifiée qui avait été prononcée à l’encontre d’un salarié du site de Rennes d’Axa Direct Assurance. L’entreprise reprochait au salarié d’avoir fait usage de son droit d’expression au cours d’une formation mise en place par la société.
Le salarié a été accompagné et défendu par la CGT de cette filiale du Groupe Axa, dont le siège se trouve tout près de celui d’Axa IM. L’annulation de la sanction a été prononcée sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la décision de justice, et a été accompagnée de 500€ de dommages et intérêts ainsi que de 1500€ au titre de l’article 700 (« frais de procédure »).
Au-delà du fait que nous sommes extrêmement contents pour ce salarié qui avait été victime d’une stratégie d’intimidation pour le faire taire, les conclusions du jugement sont très intéressantes dans leur critique sévère des agissements délétères de la DRH et des responsables hiérarchiques N+1 et N+2 du salarié. Ces derniers avaient en effet témoigné contre le salarié alors même qu’ils n’avaient pas assisté aux événements qui motivaient leur décision de sanction.
Reconnaissant tacitement son tort dans cette tentative flagrante de répression du droit d’expression des salariés sur leurs conditions de travail, Axa Direct Assurance n’a pas fait appel du jugement. Il faut dire qu’entretemps, une nouvelle direction générale a été placée à la tête de l’entreprise.
Axa utilise tous les moyens pour faire partir ses salariés, surtout ceux ayant une grande expérience et une ancienneté dans l’entreprise, et les sanctions disciplinaires font partie des méthodes utilisées contre ceux que l’entreprise juge trop chers. Même si les salariés visés ne sont pas toujours licenciés, des sanctions injustifiées sont employées pour intimider et dégouter ces salariés. L’objectif étant qu’ils partent d’eux-mêmes, en démissionnant ou en négociant des ruptures conventionnelles. Ce qui est pitoyable dans cette affaire, c’est que quatre personnes (N+1, N+2, DRH et une formatrice) ont produit des témoignages mensongers pour détruire la réputation de ce salarié.
Les faits
Chez Direct Assurance (« Avanssur »), filiale du Groupe Axa dont le siège est à Suresnes, un salarié ayant 18 ans d’ancienneté a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire. L’entretien s’est déroulé le 18 octobre 2018.
Par courrier du 29 octobre 2018, la Direction a ensuite infligé un avertissement à ce salarié pour avoir, au cours de la première journée d’une formation qui s’est tenue du 24 au 26 septembre 2018, « interrompu à de nombreuses reprises la formatrice pour faire des remarques inappropriées … constituant des remises en cause des Process existants et de l’organisation des activités au sein de l’entreprise et pour avoir adopté un ton inadéquat à l’égard de la formatrice ».
Devant le Conseil de Prud’hommes, la Direction d’Axa Direct Assurance a produit une attestation de la formatrice, ainsi que trois attestations de témoin supplémentaires signées par les responsables hiérarchiques N+1 et N+2 du salarié, ainsi que par un responsable de la Direction des Ressources Humaines.
La Direction d’Axa Direct Assurance a également reproché au salarié d’avoir nié les faits.
Le salarié a contesté cet avertissement, en faisant valoir qu’il n’avait fait qu’user de sa liberté d’expression, qui est une liberté fondamentale, même en entreprise, et qu’il n’avait ni perturbé la formation, ni outrepassé les limites de sa liberté d’expression.
Que pense le Conseil de Prud’hommes de cette tentative flagrante de répression du droit d’expression chez Axa ?
- Sur le fait d’avoir nié les faits reprochés, la Direction d’Axa Direct Assurance ne peut pas sérieusement justifier l’avertissement infligé en reprochant au salarié le droit à se défendre et à contester une sanction infligée.
- Pour justifier des griefs et de l’avertissement, la Direction produit des attestations de la formatrice, de la DRH, et des responsables N+1 et N+2 du salarié, ainsi que le règlement intérieur, ce dernier indiquant l’échelle des sanctions mais n’étant pas de nature à prouver la réalité des griefs formulés.
- Aucune personne présente lors de la formation ne vient confirmer les propos rapportés dans l’attestation de la formatrice. Personne n’atteste que le salarié serait intervenu à de trop nombreuses reprises ou aurait outrepassé sa liberté d’expression. La formatrice admet qu’elle a pu terminer le programme de formation dans les temps impartis, même si elle a dû s’adapter, ce qui est néanmoins le propre d’un formateur aguerri.
- Pour sa part, le salarié produit au contraire une attestation d’un participant qui indique que la formation s’est bien déroulée et qu’aucun propos déplacé n’a été tenu par le salarié.
- Les trois autres attestations produites par la société Axa Direct Assurance rapportent des ouïe-dires puisque les personnes ayant attesté (la DRH, le N+1 et le N+2) n’ont pas directement assisté aux faits reprochés :
- L’attestation établie par la Direction des Ressources Humaines de l’entreprise se contente de rapporter les propos qui aurait été tenus par la formatrice ; elle est partiellement mensongère car contredite par l’une des autres attestations produite par l’employeur. L’attestation indique que ce serait « le caractère violent de l’attitude » du salarié lors de l’entretien préalable qui a déclenché la sanction ; pourtant, la lettre d’avertissement n’en fait absolument pas mention. Cela relève bien l’intention de la Direction des Ressources Humaines de l’entreprise de nuire au salarié dans le cadre de l’instance prud’hommale et de tenter de justifier de l’avertissement par tous moyens, mêmes les moins loyaux.
- L’attestation établie par le responsable hiérarchique N+1 salarié relate des éléments totalement étrangers aux griefs formulés dans l’avertissement. Comme pour l’attestation précédente, la société Axa Direct Assurance cherche à dénigrer le salarié par tous moyens pour tenter d’influencer le Conseil sur des éléments moraux et dépeindre le salarié comme quelqu’un d’ingérable, ce qui suffirait à le sanctionner pour l’ensemble de son « œuvre ». Une sanction ne peut pas reposer sur des ressentis, voire des ressentiments, et cette attestation ne permet pas de justifier de la sanction infligée.
- L’attestation établie par le responsable hiérarchique N+2 du salarié, qui déclare « ne pas connaître personnellement le salarié », se contente de répéter les éléments décrits par d’autres personnes tout en se plaçant sur un terrain moralisateur et de ressenti personnel. Cette attestation de parti pris n’est donc pas de nature à démontrer la réalité des griefs invoqués. Qui plus est, elle surenchérit avec des commentaires personnels, sans rapporter la preuve de ses dires, visant à dénigrer gratuitement le salarié et à le faire passer pour quelqu’un d’ingérable et de misogyne, manifestement dans le but de lui nuire. L’attestation est très agressive, déloyale et condamnable.
- La lettre d’avertissement mentionne trois interventions du salarié pendant la formation, lesquelles ont toutes un lien avec le travail et son organisation, sans qu’aucune agressivité ou volonté de nuire à la bonne tenue de la formation ou à la formatrice ne soit relevée.
- Même à considérer que les interventions du salarié ne sont pas en lien direct avec la formation, ce qui n’est pas démontré, la liberté d’expression est protégée par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et les limites et restrictions de la liberté d’expression sont prévues par la loi.
- En matière de liberté d’expression dans l’entreprise, celle-ci est sacralisée par l’article L.1121-1 du code du travail, complété par les articles L2281-1 et L2281-3 qui dispose que les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe, que les opinions que les salariés émettent dans le cadre de leur liberté d’expression ne peuvent motiver une sanction qu’à la condition d’avoir dégénéré en abus.
- Ayant fait preuve de déloyauté et de dénigrement à l’encontre du salarié, la Direction d’Axa Direct Assurance ne démontre pas la réalité des griefs formulés ou l’excès du droit fondamental de liberté d’expression en entreprise.
Cliquez ici pour lire la décision prud’homale complète
Les salariés d’Axa IM doivent-ils craindre l’utilisation des méthodes d’Axa Direct Assurance chez Axa IM ?
A suivre …